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30 avril 2014 3 30 /04 /avril /2014 13:56

Et c'est (re)parti ! On va (encore) réformer le permis de conduire !

 

Dans un pays où il doit y avoir 3,5 millions de chômeurs absolus (dont une bonne moitié sans indemnisation), 1,5 million de personnes n'ayant pu travailler ne serait-ce que quelques heures dans le mois et qui sont donc un peu moins au chômage, un autre million et demi de stagiaires qui font un travail productif effectif et sont "indemnisés" à des taux insanes, et un bon paquet d'autres, jeunes ou vieux, qui traînent leur misère et leur désespérance, rien n'était plus urgent que l'annonce d'une réforme du permis de conduire.

Entendons-nous bien. Quand on dit "réforme", il faut évidemment comprendre qu'on va changer le moins de choses possibles, tout en donnant au "ripolinage" envisagé le maximum de publicité et d'éclat. La remise à plat de la pédagogie ? La modification du fond et de la forme des examens pratique et théorique ? La remise en cause des conditions économiques de la formation préalable et continue des candidats ? L'instauration de la vérification des capacités physiques des futurs ou actuels conducteurs ? Rien de tout cela ! Non, il s'agit de dire qu'on va cette fois réussir ce qui n'avait pas été fait par tant de prédécesseurs (qui sont tous des incapables!). Car, si j'ai bonne mémoire, il y a environ cinq ans, un certain François Fillon avait lancé, lui aussi, une grande réforme du permis de conduire pour un permis de conduire obtenu plus vite, après une meilleure formation, et à un coût moindre. A l'époque (la preuve en cliquant sur ce lien), j'avais pris mon courage à deux mains et entrepris l'étude des analyses, des diagnostics, et des remèdes proposés. Il faut croire que les intentions n'ont pas été suivies d'effet, la réforme proposée, ou du moins évoquée, étant censée permettre l'accès à un permis de conduire obtenu plus vite, après une meilleure formation, et à un coût moindre. Ce sont les mêmes maux qu'il faut soigner aujourd'hui.

 

Revenons un peu sur la situation actuelle, qui voit chaque année un trop grand nombre de néo-conducteurs, souvent des jeunes, être victimes des accidents de la route. Vitesse excessive, alcoolémie délirante, incompétence caractérisée, inexpérience dramatique, les causes en sont multiples, et il semble qu'une réforme de l'apprentissage de la conduite s'impose. Ce n'est pas moi qui dirait le contraire ! Les experts proposent donc plusieurs pistes d'action.

 

1ère piste : conduite accompagnée dès 15 ans. L'idée n'est pas sotte a priori, même si on peut s'interroger sur la maturité d'un jeune de cet âge... comme sur la maturité de certains à 18 ans, voire beaucoup plus.

Dommage qu'on ne se soit pas posé la question du très relatif succès d'une formule qui était présentée comme ayant toutes les séductions. A quand une étude sérieuse en ce sens ? Aurait-on peur de découvrir que cette bonne formule n'est pas accessible à une énorme partie de la population qui n'a ni les capacités, ni le temps, ni l'argent, ni même parfois la voiture et son carburant pour faire conduire le rejeton pendant une cinquantaine d'heures et 3000 km ? Encore un "groupe de travail" qui aurait bien besoin de voyager de l'autre côté du périph' !

 

2ème piste : passage de l'examen pratique (donc plein accès à la conduite) dès 17 ans et demi. On cherche d'où sort cette idée, à moins qu'elle ne découle de la première, ou inversement. Où donc est l’œuf, où donc est la poule, dans ce déluge d'imagination ?

 

3ème piste : instauration d'une période probatoire entre le passage de l’examen et l’attribution d'un permis définitif, au cours de laquelle une formation continue (rendez-vous pédagogiques?) serait dispensée. On craint de comprendre : à 17 ans et demi, on pourrait passer son permis de conduire, et conduire son propre véhicule. Mais comme il est patent que la formation, dispensée préalablement à un examen qui ne vérifie pas grand chose, est totalement insuffisante, on continuerait à être formé, dans les auto-écoles (dont la compétence et l'efficacité ne sont plus à démontrer), pour atteindre, avec le temps et son expérience personnelle, le niveau véritablement requis pour conduire.

On ne croyait pas qu'on pouvait en arriver jusque là ! Et ce d'autant plus que le système existe déjà : les néo-conducteurs ne doivent-ils pas attendre de longs mois pour disposer d'un permis à 12 points ? Ne peuvent-ils pas être astreints à des stages de mise à niveau et de sensibilisation en cas d'infraction grave ? Ne s'agit-il pas là de la même chose, dite avec d'autres mots ? Ces redécouvertes de la recette de l'eau tiède ont toujours quelque-chose d'attendrissant.

On ne sait pas grand chose de cette période probatoire, l'imagination ayant ses limites. Sur la toile, on lit qu'elle pourrait être de deux, ou trois ans, on ne sait trop, et serait accompagnée de "restrictions" pour le nouveau conducteur comme une limitation de vitesse particulière, ou une baisse du taux d'alcoolémie autorisé... et pourquoi pas un forfait téléphonique adapté à la lecture des textos au volant ?

Et qui vérifiera tout cela, qui fera appliquer un tel système ?

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

 

4ème piste : créer environ 150 postes d'inspecteurs pour résorber les listes d'attente, "financables" par le paiement d'un droit de timbre – point de vue des auto-écoles, ou financés par l'impôt – point de vue du syndicat FO qui représente la plus grosse masse de 1300 inspecteurs soucieux de pureté idéologique, de statu quo corporatiste et d'affichage de sa bienveillance vis à vis des p'tits jeunes.

La voilà donc enfin la solution à nos problèmes ! La bonne vieille revendication des auto-écoles : nous voulons beaucoup d'inspecteurs du permis de conduire pour que nos élèves clients puissent, dès qu'ils pensent avoir payé assez cher chez nous, passer le permis de conduire, échouer (par la faute de l'examinateur, bien sûr), reprendre des leçons, retenter leur chance, échouer encore, reprendre des leçons, et ceci sans la moindre contrainte de délais – ils finiront bien par l'avoir, ce permis ! Ainsi, nous pourrons continuer nos leçons de conduite "à la pépère", les sous continueront à tomber dans nos tiroirs-caisses, les inspecteurs auront beaucoup de travail, et les élèves clients oublieront leurs petits malheurs dès que leur sera délivré le précieux sésame.

 

Toutes ces belles et originales idées sortent, dit-on, d'un rapport commandé par Manuel Valls (comme ministre de l'intérieur – preuve qu'il savait déjà gérer son affaire), rédigé par un aréopage de sommités parmi lesquelles (dit-on) des membres de la commission "jeunes et éducation routière" du Comité national de la sécurité routière (CNSR), des responsables d'écoles de conduite, d'usagers (de quoi?), des inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière [dans cette belle énumération, ne cherchez pas les enseignants, ils ne sont pas invités]. On est libre de penser qu'on pouvait espérer mieux d'une telle concentration d'expertises !

 

C'est le nouveau ministre de l'Intérieur qui va hériter de ce rapport, à charge pour lui d'en faire quelque chose. Mais on peut parier là-dessus sans grand risque. D'autres réunions auront lieu, d'autres experts seront entendus, des comités Théodule en tous genres rendront des rapports, et rien ne bougera vraiment. Dans cinq ans, si le Ciel me prête vie, je pourrai reposer les mêmes questions.

Remise à plat de la pédagogie ?

Modification du fond et de la forme des examens pratique et théorique ?

Remise en cause des conditions économiques de la formation préalable et continue des candidats ?

Instauration de la vérification des capacités physiques des futurs ou actuels conducteurs ?

In fine, volonté ou pas volonté d'agir ?

 

Ce que je ferai, sans me lasser.

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"Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus, au-dessus d'eux  l'autorité de personne alors c'est là en toute jeunesse et en toute beauté, le début de la tyrannie."
Platon.

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