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22 novembre 2008 6 22 /11 /novembre /2008 09:00



Il y a bien longtemps que l'on sait que le chagrin, les chagrins, n'empêchent pas d'être heureux. Il suffit de vivre avec, comme on vit avec une maladie chronique, avec une absence, avec un silence que rien ne viendra troubler.

 

Hier soir, alors que notre aîné était parti dîner avec ses copains de lycée, que notre fille avait rejoint d'autres amis pour la soirée, nous étions seuls avec le "petit dernier", 11 ans et demi tout de même. Ma chère et tendre nous a relu - j'en étais bien incapable - ce passage du Petit prince où il dialogue avec le Renard.

Qu'est-ce que signifie "apprivoiser"?

C'est une chose trop oubliée, dit le Renard. Cela signifie "créer des liens..."

 

Ce matin, je n'ai pas entendu le bruit velouté des pattes de Poussière montant l'escalier dès que sonne le réveil. Elle n'est pas venue miauler derrière la porte pour réclamer caresses et nourriture. Elle n'a pas non plus slalomé dans mes jambes quand je suis allé dans la salle de bains, n'est pas montée sur la bord de la baignoire, n'a pas essayé de sauter sur mes épaules, ne m'a pas accompagné jusqu'à la porte du réfrigérateur où elle savait que j'allais prendre la boite de pâtée pour lui en donner sa part.

Hier soir, ne pouvant plus accepter de la voir prise, plusieurs fois par jour, de crises de convulsions dont certaines étaient d'un violence inouïe, je l'ai emmenée aux urgences de l'école vétérinaire - une consultation deux jours auparavant en ville m'avait laissé songeur sur la valeur du diagnostic posé. Après un examen soigneux et approfondi, il a bien fallu se rendre compte qu'elle était gravement malade et atteinte de manifestations neurologiques liées à une inflammation généralisée du système nerveux central provoquée, à l'origine, par la présence de ce qu'on appelle communément le "sida du chat".

Appliquer un traitement? Poursuivre des investigations plus poussées? Cela aurait certainement été possible, mais aurait transformé cette petite bête en terrain d'expérience, alors que sa vie était celle d'une chatte qui courait dehors, essayait d'attraper mouches et papillons (avec une incroyable agilité!), et nous avait rapporté quelques musaraignes dont elle usait comme tout félin avec une proie.

J'ai donc décidé de mettre un terme à cette souffrance - et à notre angoisse on l'aura compris, et de la faire piquer, comme on dit. En fait de piqûre, il s'agit d'une perfusion d'une très puissant anesthésiant à base de barbituriques. L'animal ne souffre pas m'a-t-on dit, il s'endort et le coeur s'arrête.

Elle ne sera pas enterrée dans le jardin, malgré ma demande. La réglementation s'y oppose, et le risque toujours très surveillé de la résurgence de la rage - le mythe est fortement présent - l'interdit. Nous feront donc, à la demande des enfants, un cénotaphe, peut-être à cause d'autres mythes selon lesquels il faut à chaque être "un lieu et un nom", ou une poignée de terre comme celle jetée par Antigone sur le corps de son frère.

 

 

 


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"Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus, au-dessus d'eux  l'autorité de personne alors c'est là en toute jeunesse et en toute beauté, le début de la tyrannie."
Platon.

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