Avec talent - mais la lecture exige qu'on mette de côté son goût pour la belle littérature, il s'agit bien d'une thèse - et érudition (onze pages de bibliographie, dont on peut imaginer qu'ils n'ont pas lu que de brefs extraits), les auteurs revisitent les écrits et les idées de deux penseurs qui ont marqué le XXème siècle, John Maynard Keynes et Sigmund Freud. Le premier, optimiste et né " une cuillère en argent dans la bouche ", le second, moins sûr de l'avenir et ayant connu, sinon la misère, du moins la gène, peuvent se retrouver en effet dans l'analyse des ressorts qui meuvent le capitalisme, en ce sens qu'il est avant toute chose obsession de l'accumulation d'argent, entassement infini de monnaie, afin de lutter contre le terme inéluctable de la vie, la perspective obsédante de la mort. Ce que dit Keynes après la crise de 1929 (qu'il n'avait pas vue venir, pas plus que les deux guerres mondiales), ou ce que dit Freud quand il découvre les pulsions à l'œuvre dans l'être humain (Éros et Thanatos à la fois ennemis et complices), éclairent les comportements d'aujourd'hui, ceux des responsables politiques qui après avoir adoré le Veau d'or du Marché, redécouvrent Keynes et l'interventionnisme, mais en le détournant des objectifs de son créateur, ceux des financiers dont l'avidité n'a d'égale que leur capacité à la destruction et à la fraude.
Il m'a fallu deux lectures, et bien des retours en arrière, pour suivre la pensée des auteurs, mais j'ai trouvé dans ce livre un éclairage parfois aveuglant sur les comportements que nous constatons quotidiennement, et qui nous sont présentés comme la plus pure normalité alors qu'ils relèvent du mensonge ou de la pathologie.
Un livre à lire, pour son plus grand profit.