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10 novembre 2008 1 10 /11 /novembre /2008 17:34
J'ai parlé, dans ces pages, du plaisir et de l'intérêt qu'on peut avoir à se faire lire un livre. Poursuivant mes visites à la bibliothèque municipale, j'y ai emprunté le livre-audio de Robert Merle, La mort est mon métier, que je pensais pouvoir conseiller à mon grand fils de 16 ans, tout juste remis de sa rencontre douloureuse avec une automobile.

Je renonce à cette idée, à cause de la forme. Lire la biographie de celui qui chercha et découvrit la meilleure méthode de mise à mort de centaines de milliers de personnes et fut le chef du camp d'extermination d'Auschwitz n'est pas en soi agréable. Mais un livre se referme si la lecture en est insupportable (une amie à qui j'avais prêté Les bienveillantes a eu cette réaction), mais le récit fait par un bon lecteur ne s'abandonne pas si facilement. On est vite charmé par le timbre d'une voix, on attend la suite avec une certaine impatience, on hésite à couper brutalement le fil du récit. Et comme le récit est souvent insoutenable, comme ce qu'il faut appeler plus que le cynisme la déshumanité du personnage, on s'arrache difficilement à cette écoute.

Alors, j'attendrai pour mettre ce livre entre les mains d'un adolescent. Inutile de lui offrir un tel spectacle, il me semble préférable d'évoquer le sujet à le laisser seul devant tant d'horreur.


Sur Les bienveillantes de J. Littell, j'avais écrit

Les Bienveillantes

Il est né peu avant la Première Guerre mondiale, que son père a faite, il a connu la défaite, la révolution qui l’a suivie, la crise économique et l’hyper-inflation. De père allemand et de mère française, il a passé une dizaine d’années en France où il a fait de brillantes études. Il est, dans les années 30, Docteur en droit, et après la Seconde Guerre mondiale il retrouve, en France, un poste de cadre supérieur dans une usine.

"Il", c’est un homme ordinaire qui aime Bach, qui sait le poids du devoir et de l’honneur, et c’est aussi un officier SS, Maximilien Aue, qui a exercé des responsabilités importantes dans la mise en œuvre de la « solution finale de la question juive » et a fait partie des équipes de massacreurs des einsatzgruppen et autres einsatzkommandos en particulier en Ukraine, chargés de faire disparaître juifs et communistes des territoires conquis.

Jonathan Littell nous raconte sous la forme du roman autobiographique - divisé en sept « danses » à la façon d’une suite baroque - la vie tourmentée, déchirée, et pourtant terriblement cohérente et structurée d’un homme qui vit et agit habité par une certitude, une volonté d’absolu, un besoin de construction de lui-même et du monde que lui promet que l’idéologie mortifère national-socialiste. Des massacres à grande échelle de 1941 en Ukraine aux rendez-vous douteux avec quelques amants, de l’agonie de Stalingrad à l’assassinat de sa mère et de son beau-père, de l’évacuation des camps d’extermination à la chute de Berlin, nous sommes invités, sur un ton pourtant neutre, à écouter un récit aussi fascinant qu’effrayant. Un individu qui n’a a priori rien d’un pervers, ni d’un idéologue fanatique. Un homme hanté par une histoire personnelle douloureuse, par des rêves et des symptômes physiques qui semblent les indices d’une dégradation morale intense, mais aussi un fonctionnaire du crime sans passion ni compassion, sans doutes ni hésitations, mû par un pur et simple et effrayant souci d’efficacité. « Ce que j’ai fait, je l’ai fait en pleine connaissance de cause, pensant qu’il y allait de mon devoir et qu’il était nécessaire que ce soit fait, aussi désagréable et malheureux que ce fût », se justifie-t-il, en préambule à ces Mémoires imaginaires, selon la rhétorique habituelle des bourreaux appelés à comparaître.

Ce livre écrit après une plongée de deux ans dans les archives de la guerre et du génocide ainsi que la recherche sur place, à Kharkov, Kiev, Piatigorsk ou à Stalingrad sur les traces de l’invasion sanglante de la Wehrmacht est l'un des plus marquants sur cette période encore lourde de notre histoire.


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"Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus, au-dessus d'eux  l'autorité de personne alors c'est là en toute jeunesse et en toute beauté, le début de la tyrannie."
Platon.

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