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20 avril 2009 1 20 /04 /avril /2009 10:33
Il faut croire que j'ai du temps libre, ou que l'insomnie est propice à la lecture. Je viens de terminer le livre d'Orwell auquel j'ai fait il y a peu allusion en vous donnant à lire ce curieux extrait de St Paul, réécrit à la sauce orwellienne.

Etrange livre, le premier dans lequel l'auteur de 1984 ou de La ferme des animaux ou encore de l'Hommage à la Catalogne, me donne des raisons de rire, d'apprécier son humour décapant et la manière dont il sait étriller cette toute petite bourgeoisie "sans le sou" qui n'a pour seule obsession que l'argent qu'elle n'a pas, ou qu'elle n'a plus, et pour seule perspective les privations qu'elle s'impose: privation de plaisirs, privation de culture, privation de dépense, privation même de descendance puisqu'elle ne peut qu'échouer en tout. Parfois, on pense à Jacques Brel et à Ces gens-là, mais sans même pouvoir espérer Frieda.

L'histoire de Gordon, rejeton aussi misérable qu'orgueilleux d'une famille à la dérive, nous fait entrer dans cette univers qu'a si bien dépeint Orwell. Sa vision de Londres, du monde des faubourgs crasseux, de la vie aussi morne qu'inutile du prolétariat (au sens le plus large du terme), est saisissante. Il parle, parce qu'il la connaît bien lui-même, de cette vie où, dès le début de la semaine, chaque demi-pence compte avec tout ce que cela comporte d'humiliations et de frustrations. Il faut dire que Gordon est bien de sa race, et que jamais il ne peut se libérer de ses désirs et de ses rêves, de ce désir d'argent qui lui tenaille le ventre plus cruellement que la faim quand le dernier "repas" remonte à la veille ou à l'avant-veille. Il est incapable de se délivrer de cette certitude, qui va jusqu'à l'absurde, qu'avec de l'argent il pourrait tout, et que sans argent sa vie lui est à chaque instant volée. Aussi va-t-il choisir de se priver un peu plus de cet aliment indispensable pour "couler" vers ce qu'il appelle la boue, le ruisseau, l'indigence, l'asile de nuit que connaît si bien l'auteur. Mais il suffira de si peu de choses...

On peut trouver dans ce roman, le dernier de ses livres consciemment "littéraires" selon son biographe Bernard Crick, bien des éléments autobiographiques. On peut aussi y voir la description de catégories sociales que Orwell a fréquentées, ou qu'il découvrira plus avant dans l'avenir, on y voit surtout son réel talent littéraire, sa grande capacité à fouiller ses personnages tout en les laissant dans un certain flou, en nous laissant la possibilité de rester sur notre faim. En particulier, à la fin du livre, on accepte la chute à la fois comme une marque d'un destin que rien ne conteste, à la fois comme une dernière hypocrisie qui pourrait marquer la totalité du récit.

Bonne lecture.

Faites de beaux rêves.
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"Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus, au-dessus d'eux  l'autorité de personne alors c'est là en toute jeunesse et en toute beauté, le début de la tyrannie."
Platon.

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