Ils avaient bien raison de se méfier. Voyons la situation.
Depuis des années, la droite politique et patronale réclame - et obtient - un allongement de la durée de cotisation pour avoir droit à une retraite pleine et entière. On en était à 37,5 ans, on est passé à 40 ans, et on passe maintenant à 41 ans en attendant 45 ans. Il est donc logique que, l'entrée dans la vie active et de cotisant arrivant plus tard qu'il y a un demi-siècle, on repousse l'âge auquel on peut partir en retraite. Bien entendu, on prend le prétexte de l'allongement de l'espérance de vie et du meilleur état sanitaire de la population pour expliquer que l'allongement de la durée de cotisation est indispensable.
Parallèlement, le pouvoir d'achat des retraites ne cesse de se dégrader, et il n'y a encore pas si longtemps la droite patronale et politique promouvait le passage, pour équilibrer les revenus, à un système par capitalisation dont on sait désormais en quoi il ne protège en rien les intérêts des titulaires de pensions (sauf à investir dans la dette publique, c'est à dire dans l'impôt futur des citoyens).
Cependant, on constate que malgré ce que j'ai dit plus haut, la situation des salariés est loin de s'améliorer. Beaucoup d'entre eux n'attendent pas d'avoir acquis tous leurs droits pour cesser de travailler, nombreux sont ceux qui choisissent le temps partiel pour pouvoir "souffler" un peu face à des conditions de travail toujours plus exigeantes. De plus, les entreprises cherchent à se débarrasser des salariés les plus âgés (les plus coûteux pour elles, et, accessoirement ceux qui ont encore en mémoire le temps où existaient des organisations syndicales structurées et puissantes) en même temps qu'elles imposent des temps partiels à de nombreux salariés qui souhaiteraient pourtant travailler plus (pour gagner un peu plus). Sans parler des heures supplémentaires qui vont se réduire comme peau de chagrin dans les mois voire les années à venir.
Même s'il ne faut pas voir trop de machiavélisme chez nos gouvernants (et encore!), on est tenté de prévoir une situation qui pourrait être celle-ci: à l'âge où on a à la fois envie et besoin de prendre sa retraite, on s'aperçoit que, pour les raisons déjà évoquées, on est loin de disposer de la totalité de ses droits. Que faire? Accepter de vivre dans une relative misère (pour certains qui tournent entre 700 et 1500 euro par mois, le changement sera à peine sensible), ou chercher de petits boulots pour survivre ou s'offrir de temps à autre le nécessaire ou l'indispensable. Ou chercher à rester encore et encore dans son emploi, quoi qu'il en coûte, pour tenter d'obtenir son nombre d'annuités, mais cela dépendra de la bonne volonté de l'employeur.
Ainsi, on peut voir grandir le nombre des "déclassés" âgés, ceux que nous montrent déjà nos écrans de télévision dans de grands pays développés comme les USA, ou dans des pays où la couverture sociale est (devenue) presque inexistante (pays de l'ex-Europe de l'est ou Russie), alors que s'affichent avec l'insolence des nouveaux riches des fortunes qui ne doivent pas toujours tout à un travail acharné et honnête. Nous pouvons entrer dans une société qui ressemblera beaucoup à ce qu'était celle du XIXème siècle: une masse de miséreux ou semi-miséreux, une poignée de nantis dont l'appétit n'est jamais éteint.
J'ai souvent dit que la droite patronale et son expression politique rêvait de nous faire revenir à ce XIXème siècle qui vit le triomphe de la bourgeoisie affairiste. Pourquoi pas? A ceci près que dans cette marche à reculons, il nous faudrait alors passer par deux guerres mondiales. Au bas mot près de 100 millions de morts, toutes dictatures comprises.
Qui cela peut-il tenter ?